Il y a quelques jours, je suis allée avec mes enfants à la salle d’escalade et je me suis retrouvée pendant un peu plus de deux heures enfermée dans un lieu clos avec une classe entière de lycéens. Cette expérience m’a donné envie de vous parler d’hypersensibilité (ceux qui savent savent).
L’hypersensibilité fait référence à la capacité d’une partie de la population de réagir de manière extrême (ou du moins de manière exagérée par rapport à une norme donnée) en présence d’un ou de plusieurs stimuli externes. Cette hypersensibilité peut se manifester sur le plan émotionnel, on parle alors généralement d’hyperémotivité, ou sur le plan sensoriel (vue, ouïe, odorat, toucher, goût), on parle alors plutôt d’hyperesthésie. Il existe aussi d’autres types d’hypersensibilité, moins fréquentes, comme celle aux champs électromagnétiques ou à divers produits chimiques.
L’hypersensibilité a commencé à être étudié au début des années 90 sous l’impulsion d’Elaine Aron, chercheuse en psychologie américaine qui a établi un test de détermination de cette caractéristique. Malheureusement, le sujet est loin d’être aussi simple et clair que nous le souhaiterions. Si la plupart des psychologues s’accordent aujourd’hui pour dire qu’environ 20 à 30 % de la population serait hypersensible (environ le même pourcentage serait d’ailleurs hyposensible), ils ne parviennent pas à faire ressortir une définition claire du terme, ni une échelle de détection évidente de cette spécificité. Le test d’Aron est d’ailleurs peu reconnu aujourd’hui. Nous trouvons donc dans la littérature scientifique et de vulgarisation du sujet presque autant de définitions de l’hypersensibilité que d’auteurs. Pas facile de faire un tri parmi tout cela. On ne parle toutefois généralement pas de pathologie (à part lorsque l’hyperesthésie est liée à d’autres troubles ou qu’elle apparaît subitement), mais seulement d’une exacerbation physiologique des sens. C’est-à-dire que la personne concernée réagit toujours ainsi, avec la même intensité. Les conséquences de cette hypersensibilité sont très variées et dépendent généralement de deux paramètres essentiels : l’intensité des sensations et la manière dont la personne hypersensible perçoit son hypersensibilité. Certains la voient comme un fardeau et cette prise de position négative a bien évidemment tendance à renforcer le côté désagréable des symptômes. Tandis que d’autres la voient comme une force et une chance : ils ne sont donc pas submergés de pensées négatives lorsqu’ils se trouvent en situation de trop plein sensoriels. Quoiqu’il en soit, nous devons admettre un véritable manque d’informations de qualité sur la question, ce qui accroît le sentiment d’incompréhension et de rejet de la plupart des personnes qui en souffrent. Cette impression de décalage par rapport à la société engendre parfois un repli sur soi et peut aller jusqu’à des formes d’anxiété importantes, de paniques, de phobies et de dépression. Les hypersensibles pourraient également être plus sujets aux comportements addictifs.
Remarque : il est fréquent que l’hypersensibilité et le haut potentiel intellectuel soient associés dans les ouvrages sur le sujet. Or, les études réalisées jusqu’à maintenant ne montrent aucune corrélation spécifique entre ces deux thèmes. Je vous en reparlerai dans les jours qui viennent sur les réseaux sociaux, à l’occasion d’une mini-série sur les mythes liés aux HPI.
Selon Elaine Aron, l’hypersensibilité aurait une explication en partie génétique, elle serait les restes d’une caractéristique génétique conservée pendant l’évolution. Nous serions donc plutôt sur un caractère acquis. Ma formation de naturopathe m’amène à repenser ces informations en prenant en compte l’épigénétique et la physiologie bien en peine d’organismes adaptés à une société qui n’existe plus aujourd’hui en occident : donc plutôt sur une notion d’hypersensibilité acquise. Ainsi, l’hypersensibilité dépendrait aussi de notre environnement proche, de nos habitudes familiales et culturelles, de nos apports en micro-éléments et en nutriments, de notre capacité de résistance à la souffrance et à la douleur, de notre vision de celle-ci (positive en la voyant comme un défi à surmonter ou négative en la percevant comme une rupture du bien-être), de notre envie/besoin de nous dépasser ou au contraire de prendre soin de nous...
Pour en revenir à mon expérience à la salle d'escalade, si je ne suis pas sujette à l’hypersensibilité émotionnelle, je suis personnellement très sensible aux bruits, aux odeurs et au toucher (au niveau du goût et de la vue, je ne crois pas que ma sensibilité soit différente de la normale). Je ne sors par exemple jamais en ville sans bouchon d'oreille, je me sens agressée lorsque je croise quelqu’un qui a fumé ou qui a mis du parfum dans la rue et je déteste quand on me touche par surprise, sans que j’ai eu le temps de m’y préparer. J’ai aussi parfois besoin de mettre une musique ou une émission en bruit de fond pour travailler plus efficacement afin d’empêcher mon esprit d’être attiré sans cesse par les petits bruits alentours. Une sorte de bruit blanc grandeur nature. Ce qui est intéressant, c’est que je remarque que ma sensibilité n’est pas constante. Tout d’abord, de manière assez classique, les modifications hormonales dues à mon cycle menstruel influencent celle-ci, tout comme de nombreuses femmes deviennent hypersensibles pendant leur grossesse puis retrouvent un niveau de sensibilité plus classique après l’accouchement. Ensuite, plus je passe de temps dans un cocon sensoriel (à la campagne, en mode assez solitaire), plus il est difficile pour moi de me trouver confronter à des stimuli extérieurs en grand nombre. Lorsque je vivais dans une grande ville, j’avais fini par développer une forme de résistance qui m’obligeait à redéfinir sans cesse ma zone de confort en l’agrandissant. On pourrait donc considérer qu’écouter mes besoins quant à une diminution des stimuli sensoriels qui m’entourent tend à m’enfermer dans un schéma restrictif. D’un autre côté, les quelques heures passées au milieu de ce groupe d’adolescents m’ont rappelé à quel point cette adaptation forcée est énergivore et épuisante pour l’organisme. Avec un seuil de saturation sensoriel bas, le corps se fatigue très rapidement à devoir gérer les informations qu’il reçoit de toutes parts, sans vraiment faire de différence entre celles qui sont pertinentes et celles qui ne le sont pas. Cette gestion nerveuse demande à l’organisme de puiser dans ses réserves de glucides et de lipides, mais aussi de minéraux et de vitamines, afin de participer aux réactions chimiques qui se mettent alors en place. Il est donc essentiel que les personnes hypersensibles en particulier, mais également les personnes neuroatypiques en général, fassent particulièrement attention à la qualité et à la quantité de leurs apports journaliers en nutriments. Chaque pensée, chaque influx nerveux, chaque sensation utilise des micro-éléments. Si je suis en mode excitation nerveuse maximum, j’ai donc besoin d’en consommer plus (attention, pas forcément plus de calories, mais plus de minéraux, de vitamines et d’antioxydants).
Pour ne prendre qu’un exemple parmi une multitude d’influences possibles, il semblerait que les personnes hypersensibles aient un taux de sérotonine plus bas que la moyenne. Celle-ci régule de manière générale l’humeur et la stabilité des émotions. C’est une hormone, produite à partir d’un acide aminé essentiel (c’est-à-dire que le corps ne peut pas créer à partir d’autres éléments), le tryptophane. Celui-ci va se transformer en sérotonine en plusieurs étapes, sous l’influence de diverses enzymes et cofacteurs, comme le zinc, le magnésium et les vitamines B1, B3, B6, notamment. De plus, la sérotonine est produite en très grande majorité au niveau de la paroi intestinale. Il est donc essentiel que celle-ci soit en bon état pour que les transformations chimiques nécessaires se fassent. Une dysbiose intestinale prédispose à des troubles de la production de sérotonine et pourrait donc contribuer à aggraver une hypersensibilité. Comme vous le voyez, et comme c’est toujours le cas en naturopathie, tout est lié. Si on déséquilibre l’édifice d’un côté, tout s’écroule.
Pourquoi voulais-je vous parler de tout cela ? Tout d’abord pour démystifier l’idée que l’hypersensibilité ou la neuroatypie de manière plus large sont des spécificités immuables sur lesquelles nous n’avons aucune prise. Bien sûr, une personne hypersensible ne va pas soudainement ne plus réagir aux sons qui l’entourent en modifiant son hygiène de vie ou en travaillant sur la vision qu’elle a de son trouble ! Elle ne va pas changer le fonctionnement de son cerveau, tout comme une personne neuroatypique ne va pas soudainement devenir neurotypique. Mais elle peut influencer l’intensité de ses troubles, elle peut jouer avec et passer en douceur de l’insupportable, de l’ingérable à l’acceptable, en travaillant sur son environnement et sur la perception qu'elle a de sa spécificité, ainsi qu'en faisant en sorte que son organisme dispose de tout ce dont il a besoin pour fonctionner à plein régime, sans surchauffe. Ensuite, je souhaitais rappeler aux hypersensibles que s’il est essentiel qu’ils apprennent à s’écouter, à savoir ce qui est bon pour eux, à refuser des soirées pour rester au calme ou à accepter de pleurer à chaudes larmes devant un film, il est aussi important de ne pas se reposer sur ses lauriers et d’oser des retours réguliers en terre ennemie quand ils ont suffisamment pris soin d’eux pour ne pas accroître le décalage dont ils souffrent déjà.
Si vous ressentez le besoin d’être accompagné sur le chemin d’une meilleure compréhension et d'une meilleure gestion au quotidien de votre hypersensibilité et de votre neuroatypie, contactez-moi. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions sur ce sujet qui me tient à cœur depuis tant d'années, pour vous et votre famille.
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