Accepter de ne pas être le parent que l'on voudrait être

J'ai eu la chance de découvrir qu'il existait une autre manière d'être parent que celle majoritairement proposée par la société lorsque le désir d'enfant a commencé à se concrétiser au sein du couple que je formais alors, il y a de cela une bonne dizaine d'années.

Mon aîné ayant mis un peu de temps avant de venir s'installer dans mon utérus - il devait nous regarder avec circonspection en se demandant si nous valions le coup -, j'ai eu le temps de me positionner théoriquement par rapport aux diverses directions "sur le marché" de l'éducation, et à la naissance de mon premier enfant, je savais quel chemin je voulais emprunter pour accompagner mes enfants vers l'âge adulte. J'étais sûre de moi, persuadée d'avoir fait le bon choix, je savais ce que je voulais et je me disais que même s'il y aurait certainement quelques anicroches épisodiques, je saurais être cette mère idéale dont je rêvais. La notion de "mère suffisamment bonne" de Winnicott ne me convenait pas du tout et j'aspirais à de bien plus hautes sphères. J'avais conscience que mes enfants trouveraient certainement quelque chose à critiquer à l'adolescence et que, parvenus à l'âge adulte, ils ne manqueraient pas de me reprocher certains de mes choix. Je croyais toutefois que, devenue une fringante soixantenaire aux cheveux grisonnants avec une progéniture adulte épanouie, heureuse et s'assumant à 100%, je ne pourrais qu'être fière de la mère que j'aurais été lorsque je regarderais en arrière le chemin parcouru.

 

Bon, non seulement mes cheveux ne seront pas grisonnants à soixante ans - vu comme les choses se profilent, ils seront certainement complètement blancs à cet âge -, mais je vous avoue avoir dû revoir mes exigences à la baisse dès les deux ou trois premières semaines de vie de mon premier né : la théorie, c'est bien beau, mais face à un enfant aux besoins quasiment toujours insatisfaits et à une maman épuisée, soyons réalistes, cela ne vaut plus grand chose. La mère idéale a alors commencé à devenir de plus en plus souvent la mère suffisamment bonne que je voulais pourtant à tout prix éviter. Non seulement cette dernière s'est invitée chez moi sans me demander mon avis, mais elle y a même déposée ses bagages pour des périodes diverses et plus ou moins longues. Les premières qui me viennent à l'esprit correspondent aux trois premiers mois de mon fils aîné, à la naissance de son petit frère et à la première année qui a suivi avec du co-allaitement, un déménagement et une grande fatigue générale, à la séparation parentale et à ma reconversion professionnelle. D'une manière générale, ces passages compliquées correspondent à des périodes de stress, de fatigue, de réajustements nécessaires et pas toujours désirés, à des périodes où mes besoins à moi, mes besoins d'être humain, ont dû être mis de côté et être momentanément délaissés au profit d'autres choses. Et où mon réservoir affectif se vidait vitesse grand V m'empêchant de contribuer efficacement à remplir celui de mes enfants.

 

 

Dans le fonctionnement traditionnel de la cellule familiale, la mère est souvent le pilier de la famille. On a beaucoup parlé de la charge mentale des femmes dans les médias ces dernières années. De cette femme qui doit constamment organiser, planifier, décider, consoler, préparer, nettoyer, laver, soutenir..., qui doit gérer le quotidien et dispatcher les tâches entre les différents membres de la famille pour que tout fonctionne comme sur des roulettes. Elle reste généralement celle qui passe le plus de temps avec les enfants, surtout lorsque ceux-ci sont en bas âge, et celle qui doit "demander de l'aide" au papa. On peut regretter à raison ce fonctionnement, il faut néanmoins accepter qu'il reste valable dans la majorité des foyers. La mère est donc la clef de voûte de la cellule familiale. Si elle s'écroule, si elle n'en peut plus, si elle s'arrête ne serait-ce qu'un week-end pour souffler un peu et pour reprendre des forces, rien ne va plus. Ou du moins en a-t-elle l'impression. C'est pourquoi elle continue à avancer avec cette énorme responsabilité sur les épaules, ce sac si lourd à porter qu'il l'épuise sur le long terme, cette quintessence de la charge mentale: elle doit se sentir bien dans sa peau et dans sa vie pour que son entourage se sente bien. Et si elle n'y parvient pas, parce qu'elle n'est pas la mère qu'elle voudrait être, parce qu'elle est parfois impatiente, colérique, égoïste, violente, humiliante, humaine, elle s'en veut et culpabilise de ne pas parvenir à atteindre cet idéal qui lui fait miroiter monts et merveilles. Et c'est le diable qui se mord la queue. Emplie de remords, elle a du mal à prendre soin d'elle et s'éloigne petit à petit de ce parent qu'elle voudrait être, prisonnière à jamais de la mère suffisamment bonne.

 

Comme j'ai déjà eu plusieurs fois l'occasion de le mentionner sur ce blog, nous ne sommes pas toujours maître de nos réactions. Nous avons beau être des êtres évolués avec un cortex développé nous permettant de peser nos décisions, d'en évaluer la justesse, la portée et les conséquences, nous restons des êtres primitifs réagissant encore et toujours en fonction de notre système limbique connecté à nos émotions et à nos souvenirs. Voilà pourquoi nous avons beau savoir qu'en théorie, il ne sert à rien de râler sur un enfant qui ne comprend pas ce que nous lui expliquons ou qui ne parvient à faire ses devoirs - puisque cela ne contribuera en définitive qu'à le stresser et à l'empêcher de réfléchir correctement-, lorsque nous sommes fatigués parce que le petit dernier ne fait pas ses nuits, que nous nous sommes disputés avec notre patron, ou que nous voyons l'heure qui tourne alors que le repas n'est toujours pas prêt, il nous arrive de montrer des signes d'impatience, de crier ou de lui dire qu'il ne fait vraiment aucun effort! Parce que nous reproduisons ce que nous connaissons et que nous ne sommes alors plus capable de puiser dans notre ressource d'outils et de trucs et astuces de la parentalité respectueuse. Vous pouvez (re)lire l'article sur la dissonance cognitive à ce sujet si vous souhaitez approfondir le sujet.

Quand ces moments-là sont passés, nous nous reprochons souvent notre attitude inadéquate. Nous ne sommes pas le parent que nous nous étions pourtant promis d'être. Nous faisons du mal à notre enfant en tombant dans la violence éducative ordinaire, nous entachons son avenir... Nous repérons parfois des comportements inadaptés chez eux directement liés à nos propres comportements :

  • ils jurent parce que nous utilisons nous-mêmes des termes grossiers;
  • ils sont particulièrement craintifs parce que nous avons du mal à les laisser faire leurs propres expériences à leur rythme et que nous voulons sans cesse les protéger;
  • ils sont mauvais joueurs mais nous devons bien admettre que nous avons parfois nous aussi du mal à perdre;
  • la grande râle sur son petit frère pour qu'il se prépare plus rapidement le matin en utilisant exactement les mêmes expressions que les nôtres...

Bien évidemment, nous ne pouvons être tenus pour responsables de tous leurs traits de caractères mais je suis certaine que vous avez déjà reconnu chez vos enfants certains de vos travers et que vous vous êtes peut-être dit : "Mince, il faut vraiment que j'arrête de dire/de faire cela."

 

Dans ce genre de situation, nous sommes nombreux à nous culpabiliser et nous restons parfois enferrés dans cette tension destructrice sans être capables de nous en libérer. La culpabilité a du bon mais elle ne doit jamais nous empêcher d'avancer, ni contribuer à nous enliser dans nos peurs et nos regrets. La parentalité s'apprend, jour après jour, minute après minute. Bien sûr, idéalement, nous devrions nous y préparer bien avant la naissance de notre premier enfant mais même ainsi, nous ne serions pas équipés au mieux. Car nos enfants réactivent sans cesse nos propres blessures d'enfant, ils mettent continuellement le doigt là où cela fait mal et nous poussent dans nos retranchements. Voyons cela comme quelque chose de positif, comme une occasion en or pour nous pousser à travailler sur nous et à devenir meilleurs, plus sages et plus ancrés.

 

Vous vous efforcez peut-être de communiquer à vos enfants que l'erreur est humaine, qu'elle est même bénéfique car elle nous permet d'avancer et de maîtriser notre sujet. En sachant ce qui peut mal tourner, nous sommes capables de l'éviter, de prévenir les risques en travaillant en amont. Alors pourquoi ne pas vous administrer le même traitement que vous appliquez à vos enfants: vous aussi, vous avez le droit de vous tromper, de trébucher. Vous n'avez toutefois pas le droit de ne rien faire et de ne pas tenter d'améliorer la situation.

 

Accepter de ne pas être le parent que l'on voudrait être, c'est accepter de ne pas encore être au bout du chemin. C'est accepter qu'en vivant avec nous, nos enfants sont marqués positivement et négativement par notre manière de les accompagner. C'est accepter que nous leur faisons parfois du mal. C'est lâcher prise sur des exigences inaccessibles pour se focaliser sur des objectifs atteignables et réalisables. Il est si décourageant de se retrouver en bas d'une montagne qu'on en arrive parfois à renoncer à la gravir. En vous concentrant sur chaque pas, sur le moment présent, vous finirez par parvenir au sommet sans vous en rendre vraiment compte.

 

Accepter de ne pas être le parent que l'on voudrait être ne signifie toutefois pas qu'on renonce à l'être un jour. Seulement que l'on comprend que c'est le travail de toute une vie, peut-être même de plusieurs vies, et que ce n'est pas parce que nous n'en voyons pas immédiatement les bienfaits que nous devons tout abandonner. Ne nous décourageons pas et essayons plutôt de nous focaliser sur nos réussites et sur le positif que nous avons atteint. Analysons nos échecs afin d'éviter qu'ils ne se reproduisent mais ne leur donnons pas un pouvoir qu'ils ne devraient pas avoir: celui de nous détruire. Apprenons à nous aimer avec nos forces et nos faiblesses, de manière inconditionnelle, pour être un jour capable d'aimer nos enfants de ce même amour si puissant.

 

Dans ma pratique, je vois énormément d'adultes qui ont du mal à s'aimer. Qui sont incapables de se dire qu'ils s'aiment, de se trouver des qualités, de se regarder dans le miroir avec bienveillance ou de prendre soin d'eux. Qui se dévalorisent sans cesse ou au contraire qui semblent étonnamment sûrs d'eux alors qu'ils sont pétrifiés à l'intérieur de ne pas être à la hauteur, de ne pas prendre les bonnes décisions, de ne pas plaire à leur entourage. Parce qu'ils n'ont jamais appris à le faire. Parce que leurs parents ne le faisaient pas, ne s'aimaient pas et ne les aimaient pas d'un amour inconditionnel.

Il est de notre devoir de chercher à briser cette chaîne entre les générations et d'apprendre à nous aimer complètement, entièrement, avec bienveillance et empathie, sans jugement ni restriction. Nous le devons à nous-mêmes comme aux générations futures. Et même, finalement, aux générations précédentes.

 

Ce chemin peut parfois être parcouru seul. Il peut aussi se faire en compagnie de spécialistes du développement personnel et du travail émotionnel. Que vous décidiez d'entreprendre ce travail en ma compagnie, notamment grâce à l'EFT mais aussi dans le cadre de la consultation en parentalité, que vous vous tourniez vers un autre professionnel ou que vous préfériez avancer seul, je vous souhaite de trouver ou retrouver ce lien d'amour essentiel avec vous-même.

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Certifiée Féna, la Fédération Française des Écoles de Naturopathie

 

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